Voix du Nord : Géométrie dans l’espace
Georges Rousse à la Maison de la photo, à Lille
Georges Rousse, inclassable, inimitable. Les superlatifs sont nombreux dans le sillage de ce petit bonhomme, toujours souriant, charmant.
Son œuvre est immense. Elle commence à faire les gros titres dans le début des années 80, elle se renouvelle aussi tout en conservant son originalité. Georges Rousse, voyageur infatigable, compose ses images sur des supports éphémères. Ses lieux préférés sont les espaces voués à la destruction ou on transformation, bâtiments désaffectés, immeubles, hangars etc. on attente d’être dynamités ou simplement en travaux. Il se les approprie un temps, y peint d’abord des personnages (souvent des autoportraits jusqu’en 1984) avant de les fixer définitivement sur le papier.
Mômes lieux mais autres sujets ensuite, lorsque l’artiste entreprend de tromper nos sens, en jouant avec notre vision. Il tapisse les espaces de formes géométriques, incluant dans une sphère peinte, ici une vieille chaise, là un escalier, un plafond, un plancher, un mur, une colonne. De la réalité à la photographie, la perte d’une des trois dimensions fait exploser l’œuvre : la sphère semble flottante dans l’espace, vivante, une sorte de masque coloré et translucide obtenu au prix de savants calculs de perspective (souvent au jugé). « La photo prend toujours une position dans l’espace, explique l’auteur, ce que je veux, c’est élargir l’espace photographié ». « J’ai essayé d’établir une relation entre la peinture et l’espace à travers la photo ».
Et ce qui vaut pour les formes, tient aussi avec les mots : « J’ai utilisé l’écriture pour me définir moi-même ou définir ces lieux qui doivent être rapidement démolis », ou transformés. À la Maison de la photographie à Lille, George Rousse a écrit « Désordre » en haut d’un vieil escalier, avec l’aide de deux étudiants des Beaux-Arts de Tourcoing. Capté dans une chambre à image directe, pour ressortir ensuite au format 125×150, le mot s’arrache à ses marches et ses murs, et nous saute à la figure. « L’ordre c’est l’image de notre société qui est de plus en plus à droite, basée sur la répression », explique l’artiste. « Ici il faut que les gens s’interrogent sur ce mot, « e fais l’éloge du désordre ». George Rousse, photographe mais aussi peintre, sculpteur, illustrateur, architecte et philosophe.
In situ
L’œuvre réalisée in situ en rejoint une dizaine d’autres, dans le cadre de l’exposition Élévation, provenant de la Maison européenne de la photographie (ainsi qu’à Valenciennes), sur invitation de Jean-Luc Monterosso, également commissaire général des Transphotographiques 2004.
La quinzaine de photos qu’il y présente relèvent autant de la construction picturale que de la photo proprement dite. Sur une image (banale) de rez-de-chaussée (la maison de Fernand Léger à Argentan, un grenier à blé du XVI’ siècle), il plaque, ici un grand cercle de couleur rouge, là des carrés multicolores. La photo devenant un véritable et assez extraordinaire tableau qui n’est pas sans rappeler Vasarely. Comme un exercice do géométrie dans l’espace.
A.D.