Voix du Nord : Profonds paradoxes
Une commande des Transphotographiques
Vibrant de leur danse épinglée, les papillons morts du musée paraissent plus vivants que la vivante silhouette humaine qui se vide. diaphane, dans le rectangle d’une fenêtre. Où est la vie, où est la mort ? Le regard commande et le paradoxe est au cœur dos photographies de Jean-Michel Pancin. Un mont glacé a crevé le bitume de Lille, chassant les cumulus. Affiches, reflets, nuages et feuillages… Où est le réel, où est le virtuel ? C’est l’autre versant du paradoxe, en 31 images couleur. « Ce travail paradoxal est voulu, explique le jeune artiste. J’ai cherché ces images idéales qu’on peut se faire de la nature, un désir de beauté, dans la ville ». Pas dans de verts écrins, mais dans des représentations, souvent artificielles. Rejetant la simpliste dualité vilaine ville/radieuse campagne, J.-M. Pancin a aussi interrogé les définitions du mot nature : « Trois pages dans le Robert ». Et légende ses photos de citations, de Sartre à Pascal. Nous voici à hauteur métaphysique, à nous frotter à la double nature humaine, écho de sa nature divine, à réfléchir à notre envie constante de dominer la nature.
Poésie, partout
Cette réflexion est très concrète. Sur le papier peint d’un logement abandonné, des Superman virevoltent, plus « réels » que les maisons de brique floues qui embrument une lucarne. L’évasion, et le rêve de domestication du monde. Pareil dans cette nature policée de centre commercial. « C’est un besoin, pour tenter de combattre la mort », estime Jean-Michel. Celle qu’on ne toise plus et qu’il nous montre dans une saisissante tombe décomposée.
Intéressé par les confrontations, l’artiste traque les rêves de nature dans leur friction avec une certaine laideur, l’envol par l’imaginaire. Voir les aras rouges sur rideaux ou les bateaux qui tanguent aux fenêtres. Cela le renvoie aux posters polynésiens d’une cité HLM abandonnée d’Avignon. « Il y avait des apports en plein mistral qui ne voyaient jamais la lumière. Au pied d’une photo de montagne, sur 20 cm de guano, j’ai pris un pigeon en décomposition ».
Surnaturel, et poésie, très présente dans ces photos lilloises. Cette poésie se nourrit d’images artificielles (voir l’enfant bronzée dans le bleu de l’Opéra). « On peut la trouver partout, il suffit de la chercher, voire de l’inventer ». De la dire, en tout cas, en rapprochant logo canin et halo d’arc-en-ciel ; en posant, à Euralille, les trois ombres réconciliées de la nature le bipède, la sculpture pieuvre et l’arbre nu. Mais Jean-Michel sourit de cette ultime contradiction : « La poésie est une autre échappatoire ».
Christian FURLING