Voix du Nord : Transphotographiques : états des lieux
Le festival euro-régional de la photographie se confirme comme un rendez-vous international. Dès le 25 mai, « Hors circuits » explore les territoires du quotidien et d’ailleurs.
Après Lille 2004, les Transphotographiques, festival de la photographie, se devaient de surenchérir. « L’ambition est d’occuper une place aux niveaux national et international, dans la suite de Lille 2004 », précise Bertrand de Talhouêt, lors de la présentation officielle de l’édition 2005, mardi dernier, à l’Hospice Gantois. Bertrand de Talhouêt est le nouveau président du festival « par passion », et, par ailleurs, PDG de La Redoute. Lors de l’année de la culture, le festival avait été dopé par un important budget et « pour cette nouvelle ère, le soufflet ne doit pas retomber : le rang des Transphotographiques ne doit pas être rabaissé », estime Jean-Michel Stievenard, vice-président de la LMCU. De fait, la ville a pallié la baisse de budget. « Cette édition de l’après Lille 2004 s’inscrit dans la pérénisation, avec une subvention de 150 000 € », annonce Catherine Cullen, adjointe au maire chargée de la culture.
Sans frontières
Le pli avait été pris l’année dernière. Les Transphotographiques, à nouveau, distinguent clairement deux axes : un festival officiel conduit par un commissaire général et des rendez-vous off, avec plus de cinquante expositions, à Arras, Calais, Lens, Roubaix, Valenciennes ou Courtrai.
La version officielle, intitulée Hors circuits quant à elle, est majoritairement lilloise, exception faite des expositions de Thomas Mailaender, à Lens, et de Sophie Ristelhueber à Valenciennes. Elle sera lancée le 25 mai, pour s’achever le 25 juin. Le « off », de son côté, démarre dès aujourd’hui, à Arras.
Anne de Mondenard, commissaire de cette édition, a élaboré un programme officiel en réponse à la question du territoire. Dans les années 1980, la DATAR [Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale, ndlr) a lancé un état des lieux en France, s’inspirant d’un travail effectué en 1851 et d’un autre, plus récent, aux États-Unis. Raymond Depardon en a fait partie. » Le grand photographe a parcouru le Nord – Pas-de-Calais pour répondre à une commande du mème type du conseil régional. « Jean-Philippe Charbonnier a photographié l’exotisme de son quartier, le 4′ arrondissement de Paris. Sophie Ristelhueber, elle, montre des lieux mythiques dont le nom chargé de sens est aujourd’hui banalisé. Manuel Litran, reporter pour Paris Match, a photographié Verdun, 50 ans après. Son parcours sur la zone rouge, tous les villages détruits pendant la guerre de 1914, n’a jamais été publié », poursuit la commissaire. Ce reportage date de 1966: le temps fait aussi partie du voyage.
Présence des images
Les regards postérieurs à ces travaux répondent à cette interrogation sur le territoire. Philippe Dapvril, par ailleurs photographe à l’Inventaire de la région, a produit des milliers d’images du Nord – Pas-de-Calais et scrute l’horizon des ports de Boulogne, Calais et Dunkerque. Thibaut Cuisset observe les lieux sans présence humaine, dans un « dehors absolu » et Daniel Quesney inventorie les indices d’un village d’Auvergne de 600 habitants : Neschers.
La génération suivante est elle aussi marquée par ces interrogations. « Beaucoup de jeunes artistes son marqués par leur histoire, avec un travail proche du documentaire », souligne Anne de Mondenard. Yto Barrada fait ressortir par ses images le désir d’exil induit par le Détroit de Gibraltar. Le plus jeune artiste de la sélection, Thomas Mailaender, reste dans cet entre-deux, mais du côté de Marseille. Il a fixé les « voitures cathédrales ces véhicules surchargés par les bagages des migrants. Ses photos sont fidèles à un modèle allemand, utilisé dans les années 1930 et les années 1960, mais il utilise les outils numériques pour supprimer toute référence a un lieu : seule reste l’intention du départ. Guillaume Herbaut est allé à Auschwitz, après avoir travaillé notamment sur Tchernobyl. Il en tire une vision paradoxale et émouvante. Olivier Mirguet, de son côté, s’est fondu dans la Corée du Nord, fidèle à son objectif : observer les lieux de pouvoir. « Il a photographié tout ce qui est autorisé par la propagande. Et c’est terrifiant », décrit la commissaire.
La dernière dimension de ces espaces est consacrée à l’intime. Paolo Roversi, photographe de mode, utilise son studio comme un « petit théâtre d’imagination ». Hugues de Wurstemberger s’aventure dans le chemin de l’histoire familiale. « Ce photographe suisse, qui vit en Belgique, a pris ses enfants avec l’idée de faire un conte à la Hansel et Gretel », présente Anne de Mondenard.
Les Transphotographiques 2005 se sont donné les moyens pour élargir nos horizons.
Pierric Maelstaf