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Transphotographiques / Lille / Hauts-de-France
 

Kwartalnik Fotografia : Transpotographiques: Mode et Photographie

Kwartalnik Fotografia : Transpotographiques: Mode et Photographie

Il est courant dans notre pays de négliger certains sujets ou croisements thématiques présidant  aux manifestations artistiques, telles que les festivals ou les conférences scientifiques.
Les thèmes conducteurs sont sélectionnés de manière à être adapté aux matériaux que conservateurs ou commissaires ont d’ores et déjà à montrer. Il arrive même que soient élaborées des théories rendant légitime la présence d’une exposition ou d’un discours dans un contexte complètement différent.
Dans d’autres pays, on aborde différemment ce type d’action ; c’est le cas cette année de la 7e édition du festival Transphotographiques de Lille, exemple probant d’un événement qui a su  préserver son unité thématique tout en développant une multitude de perceptions du sujet.
Le festival, sous le parrainage de nombreux médias (« Kwartalnik Fotografia » entre autres), présente un  panel d’expositions visant un public aux  goûts et aux attentes diverses.

Mode et Photographie, la thématique de cette nouvelle édition des Transphotographiques, est un sujet périlleux, notamment pour un festival qui a pour ambition de présenter bien plus que « de belles images ».
Par ailleurs, ce danger concerne également la photographie publicitaire qui se trouve impliquée au cœur d’un business, visant essentiellement la vente d’un produit et qui devient l’un des objectifs principal d’une photographie esthétiquement conditionnée.
Malgré le fait que, depuis plusieurs années, photographie de mode et art aient beaucoup en commun (il suffit de mentionner l’œuvre de Dora Maar, de Man Ray ou de Maurice Tabard), ce domaine se rapproche aujourd’hui de l’artisanat et il devient difficile d’y distinguer l’intervention de l’artiste du résultat de travail final de toute l’équipe qui l’accompagne.
Parfois le seul critère de valeur de la photographie de mode actuelle, de son contenu et de sa forme repose sur la beauté des modèles, le maquillage, les costumes et le décor.

Bien que ce type d’images soient présentées lors du festival français, cela n’en a pas constitué  le caractère dominant. Inévitablement,  la photographie de mode dans la conception traditionnelle du rapport entre ces deux disciplines, est présente à travers l’œuvre classique du Baron Adolphe de Meyer. L’exposition présentée à la Maison de la Photographie (siège de l’événement) peut être considérée comme une amorce historique du thème : les images, datant de la seconde décennie du XXe siècle, nous étonnent par leur esthétique pictorialiste, aujourd’hui surannée. L’ambiance particulière de ces images, si éloignée des tendances actuelles de la photographie de mode, renforce leur valeur et attire le regard sur chacun des tirages.
La seconde exposition présentée à la Maison de la Photographie, s’inscrit également parfaitement, malgré une approche tout à fait différente, dans l’idée du festival.

La série de travaux de Francesca Bertolini constitue une série documentaire, dans le meilleur sens du terme, réalisée dans des lieux abandonnés où vibrait autrefois la vie de la Haute Couture. Les accessoires abandonnés (cintres, mannequins, anciennes affiches…) prennent un sens nouveau au cœur des espaces vides et s’éloignent de leurs fonctions d’autrefois.

On a pu retrouver également une approche insolite du sujet au travers d’une exposition particulièrement intéressante de Charles Fréger intitulée  Hereros. Une série de portraits des membres de la tribu des Hereros en Namibie a été réalisée enregistrant les moments de la libération de la servitude coloniale.

L’ambiance irréelle de certaines photographies est provoquée par la particularité des tenues des modèles, vêtus d’uniformes divers, et dotés de toutes sortes d’étranges accessoires. On y retrouve des armes fantasques, le plus souvent sous forme de cannes qui remplacent, chez ces soldats de carnaval, les vraies armes à feu. Par ailleurs le sujet du vêtement comme élément déterminant, revient dans de nombreux autres travaux d’artistes participant à l’événement photographique français.

Une des expositions les plus captivantes des Transphotographiques présente les collections du Musée des Beaux Arts et de la Dentelle de Calais, intitulée Surfaces Sensibles.
Le projet du musée, dévoilé dans les locaux impressionnants de l’Hospice Comtesse, tourne autour du motif de la dentelle et des réalisations artistiques les plus diverses en rapport avec ce fin tissu ajouré.
Par ailleurs, ce thème était déjà présent dès les débuts de l’histoire de la photographie où certains « dessins photogéniques » de William Henry Talbot  (dont l’un d’eux se trouve dans les collections de ce musée) présentaient les reflets des dentelles, obtenus par la méthode du contact. C’est également à cette même période et à ce style que fait appel Nancy Wilson Pajic.
Ses photogrammes de grands formats sont réalisés à l’aide du traditionnel cyanotype, inventé par un ami de Talbot – Sir John Hershel.
Parmi les nombreux autres grands noms qui apparaissent dans le contexte de cette exposition et qui méritent notre attention, il faut citer certains classiques comme Pierre Boucher, Germaine Krull, Sam Levin, Man Ray et bien d’autres.

De plus, en parfait complément à la thématique sont présentées des photographies contemporaines conçues selon ce procédé, comme les créations du duo artistique Pierre et Gilles ou encore les assemblages d’Annette Messager.

Tout comme lors des éditions précédentes du festival, le cœur du festival a trouvé sa place au Tri Postal, sur 3 étages d’exposition, envahis de photographies de niveaux et de contenus différents.
La star du festival – Karl Lagerfeld – déçoit quelque peu: ses images, en quantité exagérée, occupent tout le rez-de-chaussée et une partie du 1er étage du bâtiment.
L’un des plus célèbres couturiers du monde révèle ici un visage tout a fait différent.
Les photographies exposées dans  « One man shown » présentent le modèle de Lagerfeld -Brad Kroenig- devenu le sujet de plusieurs centaines, voir de milliers de tirages du célèbre dictateur de mode.
En dépit du nom attractif de l’auteur de ces photographies, les visiteurs, saturés par leur nombre en excès, accéléraient au bout de quelques images et passaient, presque indifférents, devant la suite de l’exposition.

Il est difficile de trouver dans les clichés de Lagerfeld plus que leur dimension esthétique, enrichie peut être seulement  par la métamorphose physique du modèle.

Les étages suivants du Tri Postal compensent la déception causée par l’exposition de Lagerfeld : on pouvait y voir les travaux de quelques photographes méritant une attention plus approfondie. On peut citer notamment la très jeune mais déjà digne d’intérêt, Tereza Vlckova. Le cycle de photographies de la jeune artiste tchèque intitulé Two, présente des couples de fillettes – jumelles, vêtues à l’identique.
L’esthétique de ses photos démontre une grande aisance dans le traitement numérique de l’image qui a permis à l’artiste, non seulement une subtile création d’espaces irréels mais provoque également une situation où le spectateur n’est plus en mesure de savoir s’il se trouve face à de réelles jumelles ou à une copie numérique d’une seule fillette.

Ce travail est sans conteste en rapport avec le surréalisme, le thème du « double » et, tel qu’il fut défini par Freud, l’atmosphère de « l’étrange » accompagnant ce type de réalisations.

Similairement à cette série, les œuvres de Wendy Mc Murdo ont reçu des traitements techniques identiques et on y retrouve une trame sémiotique similaire.
Les photographies de Vlckova ont été exposées sur plusieurs lieux du festival, tout comme ce fut le cas pour les travaux d’une autre figure importante présentée au Tri Postal – Sabine Pigalle. Ses trois séries sont fortement associées à la tradition artistique.
La problématique de l’anthropomorphisme est abordée dans la série des diptyques avec les photos d’individus et de chiens, présentées de telle façon à ce que l’animal – équivalent de l’homme, lui ressemble par son pelage et la manière dont il est coiffé.
Alors que cette série peut être considérée comme une version contemporaine de l’anthropomorphisme, les autres travaux de Sabine Pigalle font appel à l’art ancien de manière beaucoup plus directe.
La série Sixième jour, installée dans l’église St Maurice, joue magnifiquement avec l’espace historique du lieu et évoque avec précision la peinture de la renaissance italienne (procédé assez populaire dans la photographie post moderniste).

Il faut dire que les travaux de Pigalle de cette série sont largement plus convaincants que les photographies de David Seidner, exposés au Palais de Beaux Arts, et qui a employé des procédés et des motifs semblables.

Au Tri Postal fut également présentée l’exposition de l’une unique représentante polonaise des Transphotographiques 2008 – Ewa Lowzyl, bien connue des derniers événements photographiques en Pologne.

L’ensemble des photographies de Joel Peter Witkin mérite également l’attention à travers sa Série Mode pour le New-York Times- images esthétiquement différentes de l’œuvre brutale, souvent associée à l’artiste américain

L’édition 2008 des Transphotographiques, ce fut aussi un ensemble d’autres événements (conférences, débats, stages,…) qui auraient mérité d’être analysés. Sans aucun doute, un des aspects les plus forts du festival furent les rencontres professionnelles et leur impact puissant sur la perception des expositions.
Ce festival manquait peut être un peu d’attitude critique vis-à-vis du monde de la mode, bien présent dans l’art photographique depuis quelques années – ne serait-ce que dans l’œuvre de Juergen Teller ou Corine Day.

L’ensemble toutefois, et en particulier grâce à une approche professionnelle du sujet, semble être un succès.

Witold Kanicki

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