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Transphotographiques / Lille / Hauts-de-France
 

Projet Frontières : Exposition collective

Projet Frontières : Exposition collective

 

La frontière : pure abstraction, ligne non mesurable qui divise deux territoires. Vestige d’un passé lointain, pour les uns,  barrière fine mais infranchissable vers le paradis, pour les autres. Puisque la frontière, c’est aussi une réalité cruelle : à peine une extrapolation d’un acte atavique pour marquer son territoire, toujours bien protégé et qui détermine les destins des hommes depuis des siècles. Le passage illégal d’une frontière est un casus belli.

Au cours de l’Antiquité, la frontière devait séparer les peuples civilisés des « barbares ». Avec les grandes explorations géographiques du XVIe siècle, une nouvelle séparation se dessine : entre l’Europe rurale et l’Europe urbaine, entre l’Est et l’Ouest.

Les frontières fondent notre héritage : elles ne sont pas une simple délimitation du territoire mais déterminent aussi les limites politiques et commerciales, elles concentrent au sein d’un même espace un melting-pot de communautés. En ce sens, elles sont un poids et un moteur à la fois. Mais quelle est la signification des frontières contemporaines, comment définir les divisions d’aujourd’hui, où se trouve la ligne de démarcation entre les communautés ? Ce sont des questions primordiales qu’il est d’autant plus nécessaire de se poser, après le 50ème anniversaire du Traité de Rome, acte fondateur de la Communauté Européenne.

A cette occasion, la Maison de la Photographie, en coproduction avec l’Institut Français de Varsovie et le festival Transfotografia à Gdansk, organise une commande photographique internationale « Frontière et passage » portant sur les contours de la partie orientale de l’Union Européenne. Elle la confie à François Daumerie, Julien Goldstein, Kai Ziegner, Tomas Pospech et Tomasz Rykaczewski,.

L’Union Européenne compte aujourd’hui 27 Etats membres, se référant à des racines culturelles et religieuses communes. A la faveur des processus d’intégration, la netteté d’anciens partages géopolitiques tend à s’atténuer, sans pour autant remettre en cause la notion même de frontière. Dans cet espace commun, celle-ci subit d’inévitables redéfinitions et mutations qui obligent à questionner le sens de l’histoire.

Qu’en est-il de l’ancienne géographie politique qui, en Europe, isolait deux « blocs » Est et Ouest ? Comment s’expriment aujourd’hui les frontières sociales, culturelles, religieuses ou ethniques ? Quel sens donner encore aux notions d’ouverture, de repli sur soi, dans un monde dominé par le souci de globalisation des échanges et des flux ? Mais le concept de frontière ne suggère-t-il pas en même temps la transgression ? Toute limite, fût-elle psychologique ou éthique, contient en soi le principe de son propre dépassement. Elle présuppose l’existence d’un au-delà, monde ou espace extérieur qui suggèrent ou invitent au passage, au franchissement.

Commissaires d’exposition : Dorotea Marciak, Elka Król, Krzysztof Miekus

 

Exposition du 14 mai au 12 juillet 2009

 

François Daumerie : Chemins de traverses

En chemin depuis maintenant plusieurs décennies, l’Union européenne ne cesse de s’étirer vers l’Est, repoussant petit à petit ses frontières aux limites orientales du continent. La Roumanie fait partie des derniers « entrants » de l’Union.

Ma démarche photographique consiste à envisager le Delta du Danube et le littoral de la Mer Noire en tant que frontières naturelles. Ces images panoramiques sont extraites d’une errance photographique partant de Bucarest, passant par Galati, Tulcea et le Delta du Danube, le littoral de la Mer noire jusque la frontière bulgare, tout en faisant étape à Constanza.

Le Danube, fleuve qui traverse de part en part l’Europe, faisant parfois office de frontière, s’étire en un immense delta avant de se jeter dans la Mer Noire, semblant ressasser toutes les histoires des contrées traversées jusque là . Le littoral, quant à lui, autrefois lieu de villégiature des apparatchiks de l’ancien régime n’a souvent rien perdu de son apparence de l’époque : de grandes barres d’hôtels bétonnées masquent la mer n’en permettant l’accès que par les plages privées. Cà et là des espaces plus populaires où le charme réside souvent dans la décrépitude des lieux et des infrastructures  leur donnant parfois  l’aspect de décors de théâtre.

Constanza, quant à elle, ville portuaire, lieu d’exil pour le poète Ovide, a un charme tout particulier : elle demeure un havre de paix et de douceur de vivre, donnant des accents méditerranéens à ce littoral, tout en offrant une ouverture vers l’extérieur.

En définitive, tout semble en suspend dans cet environnement, le temps donne l’impression d’avoir marqué une pause, comme une hésitation avant de se lancer dans la grande aventure européenne. Et malgré tout, le regard reste tourné vers l’Orient comme mu par une attirance toute naturelle et évidente.

François DAUMERIE

 

Tomas Pospech : Look at the future

Un projet documentaire en perpétuelle évolution portant sur la culture des compagnies internationales établies dans les pays post-communiste de l’Europe Centrale.  Le noyau de ce projet est constitué de photos du « centre industriel » L.G. Philips Displays de Hranice entre 2001 et 2006.

En 2001 j’ai réalisé un projet photographique portant sur l’usine de fabrication d’écrans télévisés de la compagnie LG Philips Displays à Hranice et au cours des années suivantes (2001 – 2006) un projet documentaire couleur au sujet de la vie dans cette usine, les stéréotypes et les automatisations, la « culture d’entreprise » et les relations entre les personnes, que cette multinationale a provoqué. Le projet est joint à ce courrier. Il fait partie d’un projet plus large basé sur la culture d’entreprise, les sociétés multinationales, le jargon administratif, la concurrence. Je cherche à capter ces spécificités qui sont apparues en République Tchèque et Slovaque après 1989.

Le Centre Technologique LG Philips Displays de Hranice est la première usine d’une société étrangère qui fut construite en République Tchèque après 1989 sur un soi-disant « terrain non bâti ». Deux blocks bleus et blancs d’un demi kilomètre de long, banals vus de l’extérieur,  composent le centre technologique néerlandais/coréen, ceignant une cour un peu plus plaisante avec ses rangées de fenêtres sur les murs, ses tours aux escaliers transparents et sa cantine suspendue très caractéristique. Les espaces de travail du personnel international, décorés dans le style des peintures de Mondrian, sont d’une propreté clinique, la plupart des activités sont automatisées. La compagnie internationale a instauré une culture spécifique de production, d’organisation régissant même les relations entre les employés. La série de photographies a été réalisé depuis Septembre 2001, lors de l’ouverture de l’usine, à Novembre 2006.

Tomas Pospech

 

 

Tomasz Rykaczewski : L’autre côté

Ce projet photographique explore le passage de frontières selon deux plans simultanément : premièrement, les limites de la perception de soi (qui nous sommes pour nous-mêmes), et deuxièmement, les limites de la tolérance sociale (qui nous sommes pour les autres).
Les photographies témoignent de l’image que les transsexuels et les travestis portent sur eux-mêmes et de la façon dont ils aiment être perçus, mais de telle manière que leurs représentations ne soient pas univoques pour les spectateurs. Ceci afin d’éviter les réactions de catégorisation et de distance inhérentes à notre société pleine de phobies et de jugements.
Le problème du passage à l’autre sexe est indissociable d’un éveil de conscience et d’une certaine surprise due aux obstacles et à l’accomplissement de besoins nouveaux et souvent plus exigeants. Par ailleurs, des questions de ce genre, n’étaient-elles pas abordées dans de nombreuses discussions (nées en Pologne, dans différents groupes sociaux, avant et après l’accès du pays à la Communauté Européenne), concernant le développement de la conscience sociale comme une conséquence de l’expansion de l’Union ? Des principes comme la conscience, les obstacles, les besoins, l’adaptation, les exigences et la réalité jouent sans doute un rôle important dans les deux niveaux de conception du passage des frontières.

Internet, si souvent cité comme un des moyens les plus influents dans le processus de mondialisation, occupe une fonction importante dans les deux « réalités » : sociale et personnelle. Ce qu’on appelle crossdressing (travestissement en personne du sexe opposé à la sienne), s’est bien inscrit dans l’espace virtuel. C’est une vie cachée, mais permettant d’une certaine manière de réaliser les envies de certains hommes de défiler dans la rue en tant que femme : création de sites Internet comme un désir de dévoilement tout en restant anonyme.

 

Kai Ziegner : Dreiland / Triland

Lorsque j’étais enfant, j’apercevais de la fenêtre de ma chambre le poste frontière Gutenfürst.
Cette ancienne gare constituait un passage strictement gardé entre la RDA et la RFA.
En réalité, je pouvais seulement distinguer les innombrables lumières de la rue rougeoyant nuits après nuits.  A cette époque je ne connaissais rien des frontières, pas plus que je ne savais que l’Est et l’Ouest de l’Allemagne étaient deux pays séparés. Je voyais seulement ces étranges lampes brillant de leurs froides lumières vertes.
Mon oncle me racontait souvent d’étranges histoires à propos du passage de la frontière. Deux de ses sœurs vivaient en Allemagne de l’Ouest et il avait l’autorisation de leur rendre visite.
Ses histoires étaient toutes cochonnes, mentionnant des trafics au moyen de magazines pornographiques dissimulant des moteurs de mobylettes dans des sacs de voyage ou encore de cachettes spécifiques à l’attention des officiers afin d’éviter la saisie d’objets. Pour ma part, je n’ai franchi qu’une fois le poste frontière, en hiver 1990 lorsque je me rendais dans la ville bavaroise de Hof, afin de profiter de mes 100 Deutsch Mark « welcome fee » et d’acheter un 33 tours de Depeche Mode. Les trains étaient bondés, nous nous tenions debout dos à dos durant tout le trajet. Nous avons dû présenter nos passeports bleus tamponnés d’un nouveau visa aux gardes-frontière et ils nous ont laissé passer très facilement.
Quelques semaines plus tard j’eus l’occasion de voir le barrage de la frontière. Cela me semblait à peine plus haut que le mur d’une petite maison. Stupéfiant. Ils créèrent un passage dans le barrage pour laisser entrer en Allemagne de l’Ouest le convoi de véhicules de la RDA. Au début j’allais presque chaque semaine en Allemagne de l’Ouest. Puis, après quelques temps, cela perdit de son intérêt.
Aujourd’hui, il ne reste presque rien de l’ancienne frontière. Occasionnellement quelques ruines des tours de garde mais rien de plus. Comme si la frontière n’avait jamais existé.
Actuellement, je traverse les frontières de différentes manières, par exemple lorsque je voyage avec mon oncle. Nous allons nous ravitailler en carburant en République Tchèque et acheter des cigarettes à bas prix au marché Fidshi. Les marchands vietnamiens y vendent alcool, médicaments et provisions bon marché. Tout semble si facile de nos jours, il suffit de présenter sa carte d’identité aux gardes-frontières pour pouvoir passer. Les officiers sont jeunes et sympathiques et les voitures des passants neuves et à la mode. Mon oncle et moi avons un accord, s’il nous reste un peu de monnaie après avoir pris du carburant, nous nous arrêtons toujours pour prendre un repas à bas prix dans un café.
Projet et Motivations
Ma ville natale Plauen est située en Basse Saxe. La Bavière et la République Tchèque sont attenantes à cette région. Plauen (Saxe), Hof (Bavière) et Cheb (République Tchèque) forment un triangle, les villes sont proches les unes des autres et la distance moyenne entre elles se situe entre 20 et 50 kilomètres. C’est pourquoi j’ai intitulé mon projet DREILAND (TRI LAND). Au début du 20ème siècle, Plauen était une ville industrielle prospère d’environ 200.000 habitants, il n’en restait que 80.000 au moment de la chute du mur de Berlin et seulement 68.000 aujourd’hui. Le taux de chômage atteint actuellement environ 20%. La plupart des jeunes gens quittent la région pour aller travailler en Bavière ou dans d’autres pays à l’ouest de l’Allemagne. La plupart d’entre eux ne reviennent jamais.

Hof, la ville bavaroise jumelle de Plauen, tira particulièrement profit du changement politique en Allemagne de l’Est. Par exemple, les habitants de l’Allemagne de l’Est dépensaient leurs 100 deutsche mark « welcome fees » directement dans les boutiques de cette petite ville. Et après quelques années, étudiants, stagiaires et de nombreux ouvriers qualifiés se ruèrent sur le marché du travail de l’Allemagne de l’Ouest.

 

 

Julien Goldstein : Passer à l’Ouest

Dans les rues froides de Bucarest, elles sont nombreuses à marcher vers les autocars qui, en trois jours et trois nuits, les emmèneront vers de meilleurs salaires. Étudiantes, jeunes diplômées, ouvrières, employées, mères de familles ou chômeuses, toutes ont choisi de quitter leur quotidien et leur famille le temps d’une saison. Pour des contrats de un à six mois maximum, elles rejoignent la cohorte des ramasseuses étrangères qui chaque année se rendent dans la région d’Huelva en Andalousie, le paradis de la fraise.

Totalement manuelle, la cueillette nécessite beaucoup de main d’œuvre. Un coût considérable pour les agriculteurs espagnols, qui recrutent moins cher dans les pays subsahariens mais surtout dans les pays de l’Est, majoritairement la Pologne et la Roumanie. Depuis les années 90, les saisonnières viennent dans le cadre d’un accord signé entre leur gouvernement et les organismes patronaux espagnols de la fraise.

A Bucarest, pendant l’hiver, à l’heure des recrutements, au moins 4 000 femmes campent devant les bureaux les jours d’embauche. Elles déposent un dossier d’inscription et espèrent une convocation. Les représentants des patrons espagnols viendront sur place en février ou en mars pour la sélection définitive.

Une fois arrivées, les « élues » travaillent et vivent dans des conditions drastiques. La journée, il faut cueillir, mettre en caisse, le tout de plus en plus vite, les vingt dernières au  classement quotidien n’auront pas de travail le lendemain. Le soir, elles dorment parquées dans des chambres à douze. Passer la soirée dans les villages alentour est impossible, à moins de « faire le mur ». Leur passeport confisqué par les employeurs le temps du contrat, les saisonnières se sentent prisonnières et se tiennent à carreau. Pourtant, d’une année sur l’autre, beaucoup reviennent travailler à Huelva, car elles gagnent plus du double de leurs revenus roumains.

Ce départ pour l’eldorado de l’ouest est souvent vécu comme un drame. Surtout pour les enfants. Ces derniers, confiés aux pères ou aux grands-parents, supportent mal cet abandon temporaire. Le 27 mars dernier, en Moldavie – région la plus touchée par la pauvreté – , le petit Razvan, dix ans, se pendait dans sa cuisine, parce que sa mère lui manquait trop. Le pays en émoi découvre alors que dans la seule ville d’Iasi, 10 000 enfants étaient concernés. Des villages roumains entiers se vident de leur population adulte, partie en Italie, en Espagne, en France ou en Allemagne en quête de meilleurs salaires. Des enfants se retrouvent sans parents, des entreprises sans ouvriers. En mai dernier, pour pallier le manque de main d’œuvre, une entreprise textile de Bacau, à l’est du pays, a dû embaucher un millier de chinoises.

 

 


Lieu : Palais Rameau
39 boulevard Vauban, Lille

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